Bien au-delà du seul cas mulhousien, l’Alsace tout entière est une terre d’immigration. C’est ce que rappelle un ouvrage historique publié par des universitaires haut-rhinois.
L’image « hansienne » de l’Alsace éternelle cache une réalité : il n’y a pas que les cigognes qui migrent vers cette contrée paisible et coquette, à colombages et géraniums. Zone frontière, « l’Alsace a toujours été une région d’immigration », rappelle l’ouvrage Ces Alsaciens venus d’ailleurs, publié aujourd’hui aux éditions Place-Stanislas.
Yves Frey, vous êtes universitaire et avez assuré la direction de cet ouvrage. Celui-ci peut surprendre en démontrant que l’Alsace, à l’identité si forte, est en fait une des plus grandes régions d’immigration de France.
À mon avis, l’immigration est constitutive de l’Alsace. Ça a été occulté, je ne crois pas par malveillance, mais elle a toujours été une grande région d’immigration, car c’est un lieu de passage, frontalier, qui s’est développé très tôt sur le plan économique. Dès le premier recensement de la population étrangère, en 1851, l’Alsace apparaît comme la grande région d’immigration en France.
Cet ouvrage se concentre sur les 150 dernières années ; quelles ont été les principales vagues d’immigration durant cette période ?
Jusqu’en 1871, l’immigration est de proximité, allemande et suisse. Comme les arrivants sont germanophones, le phénomène se sent moins ; à l’époque, l’étranger est peut-être plus le Français d’outre-Vosges que le Badois d’outre-Rhin… Avec l’annexion, la présence allemande est évidemment très forte. Les Italiens commencent à arriver dès 1890.
Après la Première Guerre mondiale, beaucoup d’Allemands repartent et on assiste à une immigration plus lointaine, avec des Polonais et quelques Tchécoslovaques. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Alsace est vidée de ses étrangers : en 1946, elle est une des dernières régions pour l’immigration.
Il faudra attendre le recensement de 1975 pour qu’elle retrouve son niveau de l’entre-deux guerres. Dès la fin des années 40 et dans les années 50 viennent les Algériens, suivis par les Marocains, et les Turcs dans les années 70-80. On peut noter aussi, à partir des années 80 et 90, le retour des Allemands et des Suisses, attirés par le prix du foncier.
Ce flux migratoire est-il toujours aussi important ?
En pourcentage, la proportion d’immigrés reste stable. Ici comme dans le reste du pays, un coup d’arrêt a été donné à l’augmentation. Ceci est en partie dû au fait que l’industrie ne recrute plus, en tout cas plus sans formations. Mais on peut noter que Strasbourg, capitale européenne, attire à présent beaucoup de réfugiés.
L’immigration n’est-elle pas, qu’on le veuille ou non, nécessaire à la France ?
C’est ce que pensent les démographes. Au début du XX e siècle, il y avait huit actifs pour une personne âgée ; ce rapport est de quatre pour un aujourd’hui et sera de deux pour un dans 50 ans. Le rythme du vieillissement ne cesse de s’accélérer. Et une simple politique de soutien de la fécondité ne pourra pas enrayer cette tendance.
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